Le cabotage est le moyen de transport le plus ancien en Haïti. À Marigot, il est pratiqué depuis plusieurs générations et il constitue le principal moyen de se déplacer. Depuis des décennies, il assure deux fois par semaine (mercredi et samedi), l’acheminement des marchandises et des passagers entre les différentes communes côtières du Sud-Est : Marigot, Cayes–Jacmel, Belle-Anse, Anse-à-Pitre et même la ville de Jacmel. C’est une pratique spécifique à la commune de Marigot où les caboteurs sont fabriqués sur le rivage même du port. Avant le premier voyage, le bateau fait l’objet d’un rituel : le baptême, qui consiste à dédier ce dernier à une divinité.
Port de cabotage à Marigot © IPIMH 2011
Le cabotage est une activité qui consiste à transporter à bord d’un bateau des marchandises et des personnes d’une ville côtière à une autre. D’après les amateurs interrogés, les voyages de Marigot aux autres villes côtières ont lieu le mercredi et le samedi. L’équipage est constitué de deux capitaines pour le gouvernail, de quatre marins pour l’embarquement et le débarquement des personnes et marchandises et d’un amateur pour la coordination des activités du cabotage.
Avant de démarrer le bateau, on embarque une partie des marchandises. Les marins le poussent ensuite du sable du rivage aux eaux de la mer. La quantité de marchandises transportées varie en fonction de la taille du caboteur. Un caboteur de 36 pieds, par exemple, peut transporter 300 sacs de riz et 35 passagers environ. Par mesure de sécurité, ils doivent s’assurer à la fin de l’embarquement qu’elles ne dépassent pas la limite de surcharge (deux planches = 48 cm environ).
Le trajet de Marigot à Anse-à-Pitre se fait en quatre heures. Entre les passagers et les membres de l’équipage se développe un climat de convivialité et de confiance. En cas de problèmes au cours du voyage, ils implorent leurs dieux (Ogou, Agwe) ou sainte Thérèse pour les épargner du danger. L’entretien et les réparations des caboteurs s’effectuent sur le rivage.
Passagers attendant un caboteur © IPIMH 2011
Selon Dieuseul Benoit, Frito Risque et Beniel Pijot, le cabotage est une activité qui s’apprend à Marigot au fil des expériences en mer et par imitation. Ceux qui la pratiquent sont en contact avec la mer depuis leur enfance. En voyageant, ils découvrent et mémorisent les parcours, les techniques de navigation, et surtout le savoir-faire des anciens capitaines, notamment pour faire face aux violentes vagues et prévenir les naufrages. Cette pratique se transmet donc de manière informelle depuis plusieurs générations.
Caboteurs avant le départ © IPIMH 2011
Avec 1 535 kilomètres de côtes en Haïti, le cabotage constitue le moyen de transport le plus important de l'île. L’arrivée de Christophe Colomb en 1492 dans les eaux haïtiennes semble avoir ouvert la voie au cabotage. À l’époque, la mer constituait l’unique voie de transport. En 1870, la ville de Jacmel est devenue le premier port ouvert au commerce extérieur. Des caboteurs sont partis des différents points d’embarcations des villes côtières du Sud-Est vers la métropole du département. Cette situation a perduré longtemps. Parallèlement, la pratique du cabotage s’est renforcée dans plusieurs communes du département, notamment à Marigot. Après la construction de la route terrestre reliant la ville de Jacmel à Marigot en l’an 2000, les activités de cabotage se sont intensifiées à Marigot, qui est maintenant devenu un important point de transit dans la circulation des marchandises et des passagers du département.
Gilles, Jean Elie. Jacmel : sa contribution à l’histoire d’Haïti, tome I, Coconut Creek, Educa Vision, 2002.
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